Sombre Magnificence

Rien d'autre que le tonnerre de l'eau qui s'écrase sur les rochers noirs en contre bas.
Rien dans ce paysage que cette ténébreuse beauté, impressionnante démonstration d'une puissance de la nature indéniable.
Et toute cette puissance est à mes sabots...
L'étalon bai observait cette sombre magnificence du haut de la cascade...
il se sentait libre et fort.... seul aussi.

L'étalon, perdu dans ses contemplation, ne vit et n'entendit arriver l'étalon blanc que trop tard pour l'éviter.
Sous le choc il recula de quelques pas. Son imposante carrure et son aplomb lui permirent de ne pas basculer dans le vide.
Un peu sonné malgré tout il déclara en secouant légèrement la tête
-Il n'y pas de mal...
Il posa son regard sur l'étalon blanc et un soudain éclair de mémoire, trop fugitif pour qu'il en comprenne le sens, traversa son esprit.
Il fronça les sourcils mais ne dit rien.

L'étalon cligna des yeux et secoua légèrement la tête une nouvelle fois puis déclara
-Quelque chose ne va pas ?
Il n'avait pas encore conscience de la surdité de l'étalon bien qu'il réalisa que quelque chose n'allait pas.
Un léger sourire étira ses lèvres, il se voulait rassurant.

L'étalon bai fronça de nouveau les sourcils en voyant la panique de l'étalon blanc.
-Allons ! Qu'y a-t-il ?
Il parla avec calme. Il croyait comprendre. Son silence, son attitude.
Il tentait de propager une aura de calme rassurant autour de lui dont la carrure imposante, de plus dans ce paysage hostile, n'avait rien pour rassurer.

Le grand bai ne dit rien.
Il comprenait maintenant.
Mais comprendre ne l'aidait malheureusement pas.
Car il ne savait plus vraiment comment s'exprimer maintenant.
A l'instant les choses étaient simples ; il acquiesça d'un signe de tête montrant qu'il avait compris.

Le grand bai sourit à son tour et inclina la tête.
Puis regardant l'étalon blanc il déclara
-Enchanté Carpe Diem.
Même s'il ne l'entendait pas, l'étalon bai, par principe, lui parlerait comme à n'importe qui d'autre. Et puis après tout, peut être lisait il sur les lèvres.
Il éprouvait une franche sympathie pour Carpe Diem, il le connaissait tout juste et ne comprenait pas vraiment pourquoi il appréciait ainsi l'étalon blanc.
Il ne se présenta pas à son tour, comment aurait-il pu ?

(sans nom ?!!!)

L'étalon bai, qui ne quittait pas le regard de Carpe Diem, comprenait.
Comprenait par le regard ce que d'autre exprimaient par des mots.
Les choses sont plus compliquées lorsque l'on s'adresse à quelqu'un qui a perdu l'ouïe, et il comprenait combien cela devait être difficile pour Carpe Diem...
Pourtant si les choses étaient compliquées, d'un autre côté elle paraissaient plus simples... c'était étrange.
Sans nom laissa régner le silence, ne pouvant réellement se présenter à son tour.

Le bai lui sourit en retour et inclina légèrement la tête avec reconnaissance.
Puis il regarda la cascade puis l'horizon, et tout autour de lui.
Cette sombre magnificence qui les entouraient de toute part.
Se tournant vers Carpe Diem il déclara de sa voix grave et profonde
-C'est beau.

Le grand bai leva un sourcil puis éclata d'un rire joyeux.
Il avait cru voir l'ombre d'un "bof" sur le visage de l'étalon blanc.
Mais il ne dit rien et posa son regard rieur, joyeux sur Carpe Diem.
Un nouveau flash lui saisit l'esprit.
Un étalon à la robe d'argent galopant sous la lune...
Une ombre immense qui l'englobe...
La vision s'arrêta là et il refit surface, sonné.