Réconfort

Ça fait quelques jours qu'un froid de canard, digne de la Taïga, s'est installé sur les prairies du Lernayin.
L'herbe brille le matin, les naseaux des chevaux dégagent des nuages de vapeur.
Egon trottine tranquillement. Il souffre moins que les autres des basses température.
Pourtant, un peu de chaleur serait le bienvenue.
L'étalon semble savoir où il va.

Bientôt, l'entrée de la grotte se dessine entre les arbres.
Egon pousse un petit ronflement de contentement en constatant qu'un panache blanc s'en dégage.
L'eau de cette grotte est assez particulière, sa température est toujours inversement proportionnelle avec celle de l'air ambiant.
Aussi, aujourd'hui, l'étalon va pouvoir cuire un peu dans un bain tiède.

Egon pénètre avec fracas et éclaboussures dans la grotte et l'eau chaude.

Spoiler:

Smutek avait eu la même idée qu'Egon. L'idée d'un bain délicatement chaud le faisait envie même s'il était habitué à de très basses températures. Aussi, il s'était lui aussi dirigé vers cet endroit si particulier qu'est la Grotte Inondée.
Le Bai arriva dans un petit galop, élégant et silencieux. Il ne s'était pas tout de suite aperçu de la présence de l'autre étalon. Il s'en rendit compte lorsqu'il reçu des éclaboussures qui le firent légèrement reculer. Surpris.
Se rapprochement doucement, une oreille couchée, il tenta de distinguer l'autre. Par chance, même s'il faisait terriblement froid, le soleil était brillant. La Grotte était alors éclairée le suffisamment pour permettre à Smutek de reconnaitre. Egon.
Un mince sourire se dressa sur ses lèvres. Puis, il disparut. Smutek ressentait alors un certain malaise. Encore une fois, il était là où il ne devrait pas être, dérangeant. Priant alors pour que le Brun ne l'ait pas vu, il tenta de s'éclipser...

Dans la grotte il faisait un peu plus sombre.
Egon ne reconnut pas tout de suite l'étalon qui déboulait à toute allure, à contre jour.
Mis lorsque d'un seul coup, l'eau passa de tiède à bien chaude, l'étalon eut une idée sur l'identité de son visiteur...

« Smutek ? »

Finalement par ce froid, ce n'était pas une mauvaise chose que lui et son pouvoir soit là.
L'étalon redressa ses oreilles qu'il avait à demi-couché par réflexe et s'approcha de son ami.

« Comment tu vas ? »

Egon ne semblait pas agacé, ou du moins il ne le laissa pas paraitre ce qui réconfortant un instant le jeune étalon. Smutek resta silencieux, secouant simplement sa queue lorsque le brun s'avança vers lui. Ce dernier lui adressa alors une attention à laquelle le bai répondit calmement. "Je vais bien. Le froid semble avoir pris possession des terres du Lernayin à ce que je vois... Je me demande même s'il n'a pas gagné celles de l'Erimos"

Smutek s'approcha un instant de l'eau, y souffla à la surface formant ainsi quelques ondes qui vinrent mourir sur les rebord. Puis, il se redressa et tourna son regard sur l'autre étalon. "Et toi ? Comment vas-tu ?" Il marqua une pause avant de continuer "Comment vont tes blessures ?" Egon avait le don d'avoir une armure. Aussi, ses blessures devaient être que de lointains souvenirs. Néanmoins, Smutek se devait de poser la question.

L'étalon poussa un petit ronflement de satisfaction.
Il fit un clin d'oeil à Smutek.

« C'est un lointain souvenir. »

Ses blessures avaient bien cicatrisé, et déjà les fissures dans son armure étaient comblées.
L'étalon se surprenait parfois à chercher des yeux les estafilades laissées par le puma.
Elles le fascinaient toujours autant, et il les arboraient presque avec fierté, même si le poil d'hiver ne laissait plus paraitre grand chose.

Egon s'enfonça un peu plus dans l'eau, profitant de la chaleur nouvelle.
Repensant aux premières paroles de Smutek, il soupira :

« Et oui c'est l'hiver... »

Rares étaient les fois où on avait pardonné le bai. En général on lui faisait comprendre qu'il devait continuer sa route seul car sa présence n'était plus appréciée. Aussi, les paroles d'Egon le réconfortait. Smutek adressa alors un sourire à son ami, comme un merci.

Pendant qu'Egon s'avançait un peu plus dans l'eau, l'étalon alla s'installer un peu plus dans la pénombre. Il ne voulait pas perturber le bain du brun. Néanmoins, c'était comme s'il avait décidé d'être bavard et curieux. Aussi, le bai éleva une nouvelle fois la voix "Dis moi... Connais-tu beaucoup de monde par ici ?"

La question de Smutek plongea Egon dans une longue réflexion.
Oui il connaissait un certain nombre de personnes, mais surtout dans l'Erimos...
Des morts et des vivants.
Il repensa à la bande de chevaux avec qui il avait semé la désolation dans ses plus jeunes années.
Ces étalons avaient des pouvoirs destructeurs qu'ils utilisaient sans vergogne pour terroriser les autres et agir à leur guise.
Egon sortit de ses réflexions, songeant qu'il fallait trouver une réponse pour Smutek.
Il opta pour une partie de la vérité.

« J'ai connu plusieurs chevaux il y a quelques années mais je me suis absenté un certain temps, et maintenant, j'ai l'impression d'être devenu un étranger ici... »

Spoiler:

Smutek écouta attentivement les paroles d'Egon. Puis, il songea. Un instant. Il songea à ce qu'a pu être la vie du cheval qui était non loin de lui. A-il eu une enfance heureuse ? Malheureuse ? A-t-il été entouré ? Puis en grandissant, qu'a-t-il bien lui arrivé ? A-t-il eu un passé paisible, sans histoire ? Ou au contraire, fait-il partie de ces chevaux héroïques, braves ou barbares ? C'était sans se douter qu'avec cette dernière option, il n'était peut être pas si loin de la vérité.

Il repensa alors à son propre passé: triste mais sans réelle histoire. Seul.

"Je pense que partir fait toujours cet effet car pendant qu'on est absent, la vie laissée derrière soi avance. Rapidement ou lentement mais elle avance. Les poulains grandissent, les vieux disparaissent. Finalement que de changements."

Il marqua une pause avant de continuer

"Et puis, moi je ne suis jamais parti de ces terres et pourtant je me suis toujours senti comme pas à ma place. Comme quoi, il ne suffit pas de partir loin pour se sentir comme un étranger"

Il laissa un petit soupir faire suite à ses paroles.

"As-tu recroisé depuis ton retour ces chevaux ?"

Oui, Smutek était bizarrement empreint d'une envie de bavarder et de curiosité... Egon le laisserait-il poser ses questions encore longtemps ?